Pour les dirigeants de GE turbines
à gaz, le marché semblerait être la cause de tous nos maux et face à cette
fatalité, nous ne pourrions que préparer des solutions d’adaptation drastiques.
Nous ne sommes pas des devins
mais devant ce pessimisme insistant sur le futur du marché, nous nous devons de
réagir et donner une vision plus réaliste.
En ce qui nous concerne, nous
sommes convaincus que les turbines à gaz sont une dimension incontournable du
mix énergétique et que les besoins qui ont stagné ces dernières années sont en
train de repartir à la hausse.
1 – Un marché de l’énergie
électrique structurellement à la hausse
Tout d’abord, il y a une
corrélation importante facilement compréhensible entre l’accroissement de la
population et celui du marché de l’électricité.
On constate également un deuxième
phénomène qui est l’électrification de nos sociétés.
L’augmentation est forte dans les
pays émergents et on constate que la consommation électrique repart à la hausse
dans les pays industrialisés après une période de baisse due à la crise
financière et les premiers efforts d’efficacité énergétique (+1,6% entre 2016
et 2017 – source ENTSO, regroupement de transporteurs électriques européens)
2 – Un besoin fondamental de
sources d’énergie pilotables sur le réseau
Si les prix des renouvelables ont
énormément baissé ces dernières années et constituent aujourd’hui la majeure
partie des MW installés dans le monde, cette progression va se heurter à des
effets de seuil que sont : l’empreinte au sol très importante, le transport
couteux de l’électricité vers les centres de consommation et les fortes
contraintes sur la gestion et la stabilité des réseaux électriques notamment du
fait de l’intermittence de ces moyens de production.
Le cas de l’Allemagne est
révélateur : nous voyons depuis 4 ans un très net arrêt de la pénétration
du renouvelables autour de 20%. Nous constatons d’ailleurs un effet similaire
en Italie mais vers 15%.
On voit également partout en
Europe une reprise des heures d’utilisations des centrales gaz. Et ceci
n’est pas contradictoire avec une surcapacité installée en Europe estimée à
36%, nécessaire justement pour couvrir les productions intermittentes.
3- Un marché des turbines à
gaz neuves qui est toujours là
Comme le montrent les appels
d’offres sur des mega-deals (commande de l’ordre du GW) en Egypte, au
Bangladesh, en Irak pour ne citer que les plus récents, il y a toujours des
affaires à faire, car seule la technologie turbine à gaz peut permettre
d’alimenter en électricité des bassins de plusieurs centaine de milliers de
personnes en un temps record.
Pourquoi notre compétitivité
s’est érodée sur ces marchés ? Peut-être parce que cela implique un
investissement significatif dans l’outil industriel pour le maintenir productif
et créatif, et ceci au détriment d’une rentabilité rapide pour l’actionnaire.
Les salariés défendent le fait
que nous pourrons mieux résister à des conjonctures temporairement défavorables
si nous revenons à une gestion industrielle de notre entreprise. Nous devons
cesser de redistribuer plus à nos actionnaires que nos bénéfices nous le
permettent et consacrer une grande partie de ces résultats pour remettre
l’outil productif de Power sur les rails.
4 – Une flotte installée
considérable pour le marché très lucratif de l’après-vente
La flotte installée des machines
GE représente plus de 50% du parc gaz mondial, soit plus de 7000 machines
réparties dans le monde. Elle nécessite un support considérable et draine un
flux financier très important vers la filière gaz qui représente 60% des
revenus de Power, soit plusieurs milliards de profit.
Les difficultés actuelles sur les
produits neufs sont majoritairement liées à de mauvaises stratégies et modalités
d’exécution décidées au niveau du groupe.
Les équipes de Belfort sont
encore majoritairement constituées des personnes qui ont fait le succès de ce
business par le passé. Les salariés du gaz ont du travail et un avenir à
Belfort si on les laisse exprimer leur savoir-faire et leur expérience, si on
leur en laisse les moyens.
5. Un marché 50 Hz qui résiste contrairement à l’effondrement du marché
60 Hz
Le marché de la turbine à gaz est
réparti en 2 segments totalement indépendants :
- le marché 60 Hz, pour lequel
les turbines sont fabriqués au Etats-Unis (Turbines 7E, 7F, 7H)
- le marché 50 Hz, pour lequel
Belfort est le centre mondial de la fabrication (Turbines 6B, 6F, 9E, 9F, 9H)
Le marché du gaz au premier semestre 2018 est en baisse
de 20% comparé au 5 dernières années mais :
Marché 50 Hz : baisse de 4 % (29,8 GW en moyenne de 2013
à 2017 pour 14,5 GW au premier semestre 2018)
Marché 60 Hz : baisse de 57% (15,2 GW en moyenne de
2013 à 2017 pour 3,3 GW au premier semestre 2018)
Dans un marché qui se retracte
autour du 50 Hz, la logique industrielle voudrait que les activités se centralisent
sur Belfort, centre mondiale 50 Hz, qui a une longue expérience, une expertise reconnue
et une connaissance accrue des marchés, des clients ainsi que des turbines
développées pour le marché 50 Hz, qui a représenté plus de 80% des ventes, au 1er
semestre 2018.
Contrairement à sa communication,
le problème de GE POWER n’est ni le marché ni l’acquisition ALSTOM mais :
- les promesses inconsidérées auprès des
actionnaires en décalage avec la réalité du marché,
- la surévaluation de la valeur de
ses acquisitions comme ALSTOM dont les performances industrielles et financières
étaient parfaitement connues, au moment du rachat,
- la dégradation des ses
performances commerciales caractérisé par la baisse de 50% à 20% des parts de
marché de GE sur le premier semestre 2018, due à un manque d’investissement
dans les segments de marchés intermédiaires et du transfert des activités
commerciales dans des régions qui ne connaissent ni produits, ni les marchés au
regard des écarts de plus en plus important entre les prévisions et la réalité
du marché.
En Mars 2017, Steve BOLTZE,
ex-Patron de GE POWER qui visait la succession de Jeff Immelt, pariait sur une augmentation
inconsidérée du marché de 48 GW à 70 GW, alors qu’il y avait déjà des
surcapacités de production, une explosion du renouvelables et qu’ALSTOM ne
représentait 4% des parts de marché de la turbine à gaz.
Et 6 mois plus tard, on nous
parle d’un « retournement » du marché : nos clients auraient-ils
découvert l’existence des énergies renouvelables durant l’été 2017 ? comment
des équipes commerciales maintenant au plus proche du client n’ont pas vu ce
changement ?
En effet, GE prévoyait de vendre
et produire 24 turbines 9HA par an, soit environ 12 GW alors que les experts les
plus optimistes prévoyait que le segment H du marché 50 Hz ne représente pas
plus de 10 GW. Comment peut-on parier sur 120% de part de marché sur ce
segment ?
Comment GE peut-il déprécier ses
actifs dans GE POWER de 23 Milliards de dollars alors qu’il a fait l’acquisition
d’ASLTOM à hauteur de 12 Milliards et que les performances d’ALSTOM sont
meilleurs que lors de son rachat ?
En conclusion, cette tribune a
pour intention de créer un débat sur la présentation pessimiste du marché qui
justifierait en grande partie la stratégie actuelle du groupe. Or comme la
presse spécialisée s’en ait fait l’écho, nous ne pouvons plus ignorer que ces
décisions sont en fait toujours basées sur la rentabilité à court terme de
l’action qui détruit tout avenir indutriel.
Le groupe ne cherche-t-il pas à
affaiblir délibérément Belfort pour demain expliquer l’obligation de
restructurer (c’est-à-dire réduire les effectifs).
La presse doit-elle préparer son
prochain reportage sur les conséquences désastreuses d’une gestion étrangère et
financière sur un autre fleuron industriel français ?
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