COMMUNIQUE INTERSYNDICALE CFE-CGC, CFDT ET SUD DE GENERAL
ELECTRIC BELFORT
Remis en main propre le
vendredi 23/03/2018 lors de sa visite du site de General Electric de Belfort, à
la commission d’enquête parlementaire, chargée d’examiner les décisions de
l’État en matière de politique industrielle, au regard des fusions
d’entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d’Alstom, d’Alcatel
et de STX, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons
industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé.
A/ Les promesses non tenues par GE à
Belfort
1/ La nouvelle usine d’imprimantes 3D
- En juin
2017, GE
annonce investir 125 M€ dans une nouvelle usine de 90 imprimantes 3D à
Belfort, pour fabriquer des composants des parties chaudes et
combustion pour les turbines à gaz assemblées à Belfort, soit une
centaine de création d’emploi.
- A ce jour,
le projet est
annulé et la même promesse a été faite pour un site en Allemagne
depuis.
2/ Les usines du futur (bâtiment 331 à Bourogne
et bâtiment 38 Nord à Belfort)
- En mars
2017, GE
s’engage à investir 50 M€ et créer plusieurs centaines d’emplois en
contreparties de 17 M€ d’investissement publics, dans la rénovation et
l’extension de 2 nouveaux bâtiments (bâtiment 331 à Bourogne et bâtiment
38 Nord à Belfort) et l’aménagement de routes, dans l’objectif d’assembler
et de transporter 24 turbines à gaz de grandes puissances 9HA /an.
- A ce jour,
les investissements publics ont été engagés :
- A Bourogne, le nouveau bâtiment 331
nouvellement construit, initialement destiné à abriter une nouvelle
ligne de production, dédiée à la fabrication des directrices, est
utilisé comme entrepôt, suite à l’annulation de l’ensemble des
investissements industriels prévus par GE dans ce bâtiment.
- A Belfort, 1 seule des 3 nouvelles lignes
de production a survécu à la coupe budgétaire dans la partie Nord
du bâtiment 38.
3/ La fabrication de composants et l’assemblage de
turbines à gaz 60 Hz (Turbines à gaz 7E, 7F, 7H)
- En juin
2016, GE s’engage à investir 35 M€ et à relocaliser 500 emplois des US à Belfort suite aux
accords avec la COFACE et le gouvernement, sur les projets des turbines à
gaz 60 Hz réalisés jusqu’alors aux US.
- A ce jour,
aucune activité 60 Hz (Turbines à gaz 7E, 7F, 7H) n’a été relocalisée à
Belfort mais ce sont des relocations hors de Belfort, d’activité 50 Hz historiquement
réalisées à Belfort (Turbine à gaz 6B, 6F, 9E, 9F, 9H) qui sont observées
depuis 2015 :
- 2015 :
régionalisation des activités commerciales et gestion de projets,
jusqu’alors centralisées à Belfort pour le marché 50 Hz et qui sont
aujourd’hui délocalisées dans différentes régions du
monde (ex : Dubaï, Inde, Chine...)
- 2016 : les
activités commerciales et de gestion de projet, pour la région
Europe, seule région encore dans le périmètre de Belfort, sont
désormais pilotées par Baden en Suisse suite à l’acquisition
d’ALSTOM.
- 2016/17 : transfert
aux US des activités d’assemblage de 3 des 7 modèles de turbines
à gaz assemblées jusqu’alors à Belfort (9F.03, 9F.05 et 6F.01)
- 2017/18 : transfert
aux US de la fabrication des pièces stratégiques (aubes turbines et
directrices des étages 1&2), réalisées jusqu’alors uniquement à
Belfort pour le marché 50Hz (marché mondial sauf les US) pour les pièces
neuves comme pour les pièces de rechange.
4/ les 500 emplois créés à Belfort dans le cadre du
rachat d’ALSTOM
- En décembre
2015, dans le cadre du rachat ALSTOM, GE s’est engagé à créer 1000 emplois
nets en France d’ici fin 2018, dont près de 500 emplois nets à Belfort,
son site le plus important en France (3700 de 17000 salariés en
France) :
- 200 postes
dans un centre de services financiers partagés à Belfort
- 310 postes
« hautement qualifiés » en ingénierie et technologie, principalement à Belfort, pour
accompagner l'extension de ses activités de fabrication en France, dans
le cadre de sa volonté d'internaliser la fabrication de composants et de
pièces
- En ce jour, 200
personnes ont bien été recrutés dans le cadre du centre de services
financiers partagés à Belfort, mais plus de 200 personnes ont
quittés ALSTOM MANAGEMENT à Paris qui était quasiment sur le même
périmètre d’activité, donc pas de créations nettes d’emplois sur
le périmètre national.
- Les effectifs
de GE à Belfort ont augmenté mais ce n’est pas une création nette
d’emplois car cela concerne quasiment exclusivement des internalisations
d’activité réalisés par des sous-traitants sur le site de GE
Belfort depuis des années :
- Internalisation
du service de maintenance industrielle (environ 100 personnes)
- Embauches des
sous-traitants à l’engineering (environ 100 personnes)
- Embauches
d’intérimaires en production (environ 100 personnes)
- A Belfort, la
majeure partie des sous-traitants et des intérimaires non embauchés n’ont
pas été gardés et ont perdus leurs emplois
- Beaucoup de
sous-traitants et fournisseurs locaux de GE sont très inquiets pour
l’avenir et certains sont déjà en train d'expérimenter les plans de
ruptures conventionnelles collectives
- GE a détruit
beaucoup plus d’emplois qu’il en a créé sur Belfort depuis le rachat
d’ALSTOM malgré la communication de GE et un contexte de charge
relativement favorable.
5/ Les équipes de la direction mondiale des activités
« turbines à vapeur » et « turbines à gaz de grande taille à usage
industriel de 50 Hz »
- Le 4
novembre 2014, GE a signé un accord avec l’état français, dans lequel GE
s’engage pour une durée de 10 ans, à compter de la date d’acquisition
d’ALSTOM de :
- localiser à
Belfort, les
quartiers généraux européens actuels de GE pour les activités turbines à
gaz de grande taille à usage industriel de 50 Hz
- localiser
en France, les
quartiers généraux de l’activité mondiale turbines à vapeur de l’activité
Energie et Eau (« Power and Water ») de GE (incluant l’activité turbines
à vapeur d’Alstom)
- situer en
France, les
équipes de la direction mondiale des activités ci-dessus et celles en
charge de la direction opérationnelle des quartiers généraux
correspondants, notamment :
- les fonctions corporate de
chaque activité ;
- la stratégie de fabrication
;
- le marketing et le
développement produits ;
- la supervision des activités
commerciales, y compris les offres ;
-
la stratégie en matière de chaîne d’approvisionnement (supply chain)
- les activités
R&D et recherche et développement appliquée spécifique à chaque activité.
- Aucun membre
de la direction mondiale du business « POWER » (qui a vendu « WATER »
depuis à Suez) aussi bien pour les activités « turbines à
vapeur » que pour les activités «turbines à gaz de grande taille à
usage industriel de 50 Hz » ne sont localisés en France ou à Belfort,
bien que Belfort soit l’un de plus gros site au monde de GE POWER
- A ce jour, les quartiers généraux européens pour les activités "turbines à gaz" est à Baden en Suisse et non en France et l'ensemble de l'équipe de direction pour cette activité se trouvent en Suisse ou aux US.
B/ La situation actuelle et risques à
venir par entités présentes à Belfort
1/ Situation et risques pour l’entité « Nucléaire & charbon
& solaire » (environ 1000 personnes)
GE a stoppé son activité « centrale solaire » à Belfort.
Depuis début 2017, 9 tranches
nucléaires ont été enregistrées en commande (2 EPR d’HINKLEY POINT 1900MW
et 7 VVR 1200 MW avec notre JV Russe).
Six autres sont en cours de négociation (Egypte et UK) avec de très
bonne chance de réussite, ce qui représente un « Himalaya » de charge
de travail, non anticipé par GE qui suite au PSE de 2016 sur Boulogne et Massy
avait dimensionné l’activité pour réaliser Hinkley Point uniquement.
Le goulet d’étranglement pour sortir cette charge est au niveau des
ateliers de Belfort là où les opérations majeures seront réalisées.
Or GE n’a pas prévu d’investir à la mesure de l’enjeu, notamment sur
l’embauche et la formation du personnel (la pyramide des âges est
dramatiquement inversée), une partie de l’activité devra être relocalisé hors
de France.
La réorganisation permanente imposée par GE ne permet pas un climat
serein pour la réalisation de ces projets hautement stratégique pour la filière
nucléaire française, n’oublions pas que nos turbines et alternateurs seront à l’avenir
un élément majeur pour la vente d’EPR.
La gestion de ces projets à haut risque à l’avantage de générer de
grosse rentrée de cash qui arrange bien GE en ce moment mais l’inconvénient est
d’exposer l’entreprise à de gros risque s’ils ne sont pas réalisés dans les
temps et avec la qualité requise.
2/ Situation et risques pour l’entité « Power Services »
(environ 370 personnes)
L’entité « Power Services » connait un marché stable et
profitable.
Mais GE a décidé de réorganiser
(démanteler) Services avec la création d’un sous-traitant mondial
regroupant l’ensemble du personnel intervenant sur les centrales : Field
Core. Cette création entrainera certainement une perte de confiance de certains
de nos clients liés au risque de pertes de compétences, dont le client N°1
français, EDF.
Pour le personnel restant, la majorité ira rejoindre Power System, mais
quid de l’avenir pour ce personnel et pour le marché de l’Après-Vente.
3/ Situation et risques pour l’entité « Hydro » (environ 100
personnes)
L’activité Hydro a été fortement impactée depuis le rachat par GE avec
plus de 3000 suppressions d’emplois au niveau monde, la fermeture des derniers
sites de production Européens (Suisse, Espagne, France, soit 345
suppressions de postes à Grenoble).
Les services ont été désorganisés sous couverts de la mondialisation.
Plus particulièrement sur Belfort l’effectif a diminué de 20% et on
assiste à des départs dont des compétences clés qui sont non remplacés.
4/ Situations et risques pour l’entité « Power Conversion »
(environ 210 salariés)
GE a racheté « Converteam » en 2011, puis a supprimé le
département R&D au bout d’1 an alors qu’il s’était engagé à le maintenir
lors du rachat. Notre activité (conversion de puissance) est basée sur une
technologie de pointe. L’entreprise nécessite un renouvellement de la
technologie tous les 2 ans. Sans recherche et développement, notre société est
morte.
Pendant 6 ans, GE a complètement anéanti le modèle industriel de
l’entreprise en imposant les décisions suivantes :
- L’activité
commerciale a été confiée à des vendeurs locaux dans différentes régions
du monde, qui ne connaissent pas les produits développés
- Le service
achats a été globalisé en Hongrie, en Roumanie, en Pologne…
- Le service
pièces de rechange à fortes marges a été transféré de Belfort aux
Pays-Bas, (raisons fiscales), ainsi GE a ignoré la complexité de nos
produits (ces pièces doivent revenir à Belfort pour être réglées par nos
experts), a généré l’insatisfaction de nos clients en complexifiant nos
processus et a augmenté les couts de nos produits.
- Pertes
d’emplois et de compétences dans l’activité « mise en service »,
relocalisée en Corée ou Arabie, réduisant la qualité de nos produits
délivrés aux clients.
Toutes ces décisions fragilisent nos emplois : réduction
d’effectifs de 12% à Belfort (Centre d’Excellence en propulsion navale
électrique), suppression de 2 sites de fabrication aux Royaume-Unis et 2 autres
fermetures prévues en 2018 (Royaume-Unis + Allemagne).
Quid de la France fin 2018 à la fin de « l’accord +
1000 » ?
Le taux de démission constaté est 4 fois supérieur à la moyenne
nationale dans l’industrie.
Nos talents quittent l’entreprise.
Les frais de groupe ont augmenté (+150% en 3 ans) sans aucune
justification, amputant nos bénéfices.
Le CCE a lancé une procédure d’alerte sur la situation économique
craignant pour l’avenir de la société.
L’entreprise est maintenant déficitaire depuis 2 ans. Aujourd’hui, GE
cherche à nous revendre (à perte) et a décidé de nous réorganiser comme
l’ex-Converteam (réintégration des commerciaux, achats, mise en service en
Europe).
5/ Situation et risques pour l’entité « Gaz » (environ 2000
salariés
Le site de Belfort extrêmement profitable a remonté plus de 3,3
milliards d’euros de dividendes au Groupe depuis son rachat par GE en 1999, en
investissant moins de 2,8% de son CA.
En charge de la commercialisation, du développement des auxiliaires, de
la fabrication et de la gestion des projets sur le marché 50 Hz (soit
l’ensemble du monde sauf les US et quelques autres pays), le site a perdu année
après année sa capacité de prise de décision en local, est devenu un centre de
coûts, n’a gardé les activités commerciales et de gestion de projet uniquement
pour la région Europe et Afrique, puis uniquement le marché européen,
complètement atone.
Puis après l’acquisition ALSTOM, le centre mondial du
« services » et le centre européen du « neuf » s’est
déplacé à Baden en Suisse où sont maintenant localisés le top management, les
brevets et les profits. C’est pourquoi l’entité de GE EPF est passé pour la
première fois, en 2016 d’une situation largement bénéficiaire à une situation
déficitaires et que GE ne paie pas d’impôt en France bien que l’activité gaz
reste le segment le plus rentable chez GE POWER.
Avec les projets de transfert de technologie en Chine, en Russie et en
Algérie, un marché en bas de cycle et des usines capable de fabriquer de plus
en plus vite, le risque d’un plan majeur de restructuration ainsi que la
fermeture de 1 à 2 des 3 usines françaises est très important dès 2019, bien
qu’elles soient plus performantes que l’usine historique américaine.
GE n’est désormais plus propriétaire de son parc machine depuis l’année
dernière. L’assemblage de 3 des 7 modèles de turbines à gaz a déjà été
transféré là-bas, et maintenant, c’est la fabrication d’une partie des
composants à haute valeur ajoutée (aubes turbines et directrice des étages 1
& 2) qui sont en train d’être transféré vers l’usine américaine.
6/ Plan mondiale de restructuration engagé
Aujourd’hui, GE a engagé un large plan de restructuration chez GE POWER,
soit 12 000 suppressions dans le monde dont 4500 en Europe sur le
périmètre ex-ALSTOM, (35% des effectifs en moyenne par Pays hors France).
GE ferme 7 des 9 centres de recherche, veut fermer 30% de ses usines et
veut céder 20 milliards de dollars d’actifs. (en sachant que le montant du rachat
d’ALSTOM est de 13 milliards de dollars)
Grâce à l’accord France 1000, la France semble épargner, pour l’instant,
(excepté les 350 postes supprimés sur le site de GE Hydro à Grenoble).
Au terme de cet accord à fin 2018, le plan de restructuration touchera
inévitablement la France.
A Belfort, l’un des plus gros sites de GE POWER au monde, c’est un
risque de plus de 1000 suppressions d’emploi, en appliquant la même réduction
de 35% des effectifs comme dans les autres pays en Europe.
Sans une intervention de l’état, la stratégie financière de GE va
détruire notre tissu industriel (capacité, savoir-faire et centre de décisions)
et les emplois associés dès 2019
C/
Demande de signature d’un nouvel accord entre GE, l’état français et les
organisations syndicales
Pour protéger notre outil industriel, nos emplois et les intérêts
français après fin 2018, l’intersyndicale CFE-CGC, CFDT et SUD demande la
négociation d’un nouvel accord entre GE, l’état français et les organisations
syndicales qui :
1/ Spécifie les engagements d’investissement et de création d’emplois déclinés
par business et adossés à des développements et des relocalisations d’activité
en France.
2/ Encadre les projets de cessions/reprises d’activité GE localisée en
France (qui cherche à vendre 20 milliards de dollars d’actif) par des entreprises
qui ont une politique de développement industriel, ainsi que les modalités de
contrôle par l’état de ces reprises d’activité.
3/ Garantie et préserve les intérêts de l’état français sur des
activités stratégiques (parc nucléaire français, propulsion navale militaire…) aujourd’hui
muselés par la législation ITAR qui interdit l’exportation des composants
technologiques américains, sans le consentement du gouvernement américain.
4/ Définit des pénalités financières dissuasives, en cas de non-respect
des termes de cet accord.
5/ Constitue une commission de suivi des engagements, comprenant des
décideurs GE, de représentants de l’état et des organisations syndicales de GE
en France.
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