lundi 26 mars 2018


COMMUNIQUE INTERSYNDICALE CFE-CGC, CFDT ET SUD DE GENERAL ELECTRIC BELFORT

Remis en main propre le vendredi 23/03/2018 lors de sa visite du site de General Electric de Belfort, à la commission d’enquête parlementaire, chargée d’examiner les décisions de l’État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d’entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d’Alstom, d’Alcatel et de STX, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé.


A/ Les promesses non tenues par GE à Belfort

1/ La nouvelle usine d’imprimantes 3D
  • En juin 2017, GE annonce investir 125 M€ dans une nouvelle usine de 90 imprimantes 3D à Belfort, pour fabriquer des composants des parties chaudes et combustion pour les turbines à gaz assemblées à Belfort, soit une centaine de création d’emploi.
  • A ce jour, le projet est annulé et la même promesse a été faite pour un site en Allemagne depuis.
 2/ Les usines du futur (bâtiment 331 à Bourogne et bâtiment 38 Nord à Belfort)
  • En mars 2017, GE s’engage à investir 50 M€ et créer plusieurs centaines d’emplois en contreparties de 17 M€ d’investissement publics, dans la rénovation et l’extension de 2 nouveaux bâtiments (bâtiment 331 à Bourogne et bâtiment 38 Nord à Belfort) et l’aménagement de routes, dans l’objectif d’assembler et de transporter 24 turbines à gaz de grandes puissances 9HA /an. 
  • A ce jour, les investissements publics ont été engagés :
  • A Bourogne, le nouveau bâtiment 331 nouvellement construit, initialement destiné à abriter une nouvelle ligne de production, dédiée à la fabrication des directrices, est utilisé comme entrepôt, suite à l’annulation de l’ensemble des investissements industriels prévus par GE dans ce bâtiment.
  • A Belfort, 1 seule des 3 nouvelles lignes de production a survécu à la coupe budgétaire dans la partie Nord du bâtiment 38.

3/ La fabrication de composants et l’assemblage de turbines à gaz 60 Hz (Turbines à gaz 7E, 7F, 7H)
  • En juin 2016, GE s’engage à investir 35 M€ et à relocaliser 500 emplois des US à Belfort suite aux accords avec la COFACE et le gouvernement, sur les projets des turbines à gaz 60 Hz réalisés jusqu’alors aux US.
  • A ce jour, aucune activité 60 Hz (Turbines à gaz 7E, 7F, 7H) n’a été relocalisée à Belfort mais ce sont des relocations hors de Belfort, d’activité 50 Hz historiquement réalisées à Belfort (Turbine à gaz 6B, 6F, 9E, 9F, 9H) qui sont observées depuis 2015 :
    • 2015 : régionalisation des activités commerciales et gestion de projets, jusqu’alors centralisées à Belfort pour le marché 50 Hz et qui sont aujourd’hui délocalisées dans différentes régions du monde (ex : Dubaï, Inde, Chine...)
    • 2016 : les activités commerciales et de gestion de projet, pour la région Europe, seule région encore dans le périmètre de Belfort, sont désormais pilotées par Baden en Suisse suite à l’acquisition d’ALSTOM.
    • 2016/17 : transfert aux US des activités d’assemblage de 3 des 7 modèles de turbines à gaz assemblées jusqu’alors à Belfort (9F.03, 9F.05 et 6F.01)
    • 2017/18 : transfert aux US de la fabrication des pièces stratégiques (aubes turbines et directrices des étages 1&2), réalisées jusqu’alors uniquement à Belfort pour le marché 50Hz (marché mondial sauf les US) pour les pièces neuves comme pour les pièces de rechange.
 4/ les 500 emplois créés à Belfort dans le cadre du rachat d’ALSTOM
  • En décembre 2015, dans le cadre du rachat ALSTOM, GE s’est engagé à créer 1000 emplois nets en France d’ici fin 2018, dont près de 500 emplois nets à Belfort, son site le plus important en France (3700 de 17000 salariés en France) :
    • 200 postes dans un centre de services financiers partagés à Belfort
    • 310 postes « hautement qualifiés » en ingénierie et technologie, principalement à Belfort, pour accompagner l'extension de ses activités de fabrication en France, dans le cadre de sa volonté d'internaliser la fabrication de composants et de pièces
  • En ce jour, 200 personnes ont bien été recrutés dans le cadre du centre de services financiers partagés à Belfort, mais plus de 200 personnes ont quittés ALSTOM MANAGEMENT à Paris qui était quasiment sur le même périmètre d’activité, donc pas de créations nettes d’emplois sur le périmètre national.
  • Les effectifs de GE à Belfort ont augmenté mais ce n’est pas une création nette d’emplois car cela concerne quasiment exclusivement des internalisations d’activité réalisés par des sous-traitants sur le site de GE Belfort depuis des années :
      • Internalisation du service de maintenance industrielle (environ 100 personnes)
      • Embauches des sous-traitants à l’engineering (environ 100 personnes)
      • Embauches d’intérimaires en production (environ 100 personnes)
  • A Belfort, la majeure partie des sous-traitants et des intérimaires non embauchés n’ont pas été gardés et ont perdus leurs emplois
  • Beaucoup de sous-traitants et fournisseurs locaux de GE sont très inquiets pour l’avenir et certains sont déjà en train d'expérimenter les plans de ruptures conventionnelles collectives
  • GE a détruit beaucoup plus d’emplois qu’il en a créé sur Belfort depuis le rachat d’ALSTOM malgré la communication de GE et un contexte de charge relativement favorable.

5/ Les équipes de la direction mondiale des activités « turbines à vapeur » et « turbines à gaz de grande taille à usage industriel de 50 Hz »
  •  Le 4 novembre 2014, GE a signé un accord avec l’état français, dans lequel GE s’engage pour une durée de 10 ans, à compter de la date d’acquisition d’ALSTOM de :
    • localiser à Belfort,  les quartiers généraux européens actuels de GE pour les activités turbines à gaz de grande taille à usage industriel de 50 Hz
    • localiser en France, les quartiers généraux de l’activité mondiale turbines à vapeur de l’activité Energie et Eau (« Power and Water ») de GE (incluant l’activité turbines à vapeur d’Alstom)
    • situer en France, les équipes de la direction mondiale des activités ci-dessus et celles en charge de la direction opérationnelle des quartiers généraux correspondants, notamment :
- les fonctions corporate de chaque activité ;
- la stratégie de fabrication ;
- le marketing et le développement produits ;
- la supervision des activités commerciales, y compris les offres ;
- la stratégie en matière de chaîne d’approvisionnement (supply chain)
- les activités R&D et recherche et développement appliquée spécifique à chaque activité. 
  • Aucun membre de la direction mondiale du business « POWER » (qui a vendu « WATER » depuis à Suez) aussi bien pour les activités « turbines à vapeur » que pour les activités «turbines à gaz de grande taille à usage industriel de 50 Hz » ne sont localisés en France ou à Belfort, bien que Belfort soit l’un de plus gros site au monde de GE POWER
  • A ce jour, les quartiers généraux européens pour les activités "turbines à gaz" est à Baden en Suisse et non en France et l'ensemble de l'équipe de direction pour cette activité se trouvent en Suisse ou aux US 

B/ La situation actuelle et risques à venir par entités présentes à Belfort


1/ Situation et risques pour l’entité « Nucléaire & charbon & solaire » (environ 1000 personnes)

GE a stoppé son activité « centrale solaire » à Belfort.
Depuis début 2017, 9 tranches nucléaires ont été enregistrées en commande (2 EPR d’HINKLEY POINT 1900MW et 7 VVR 1200 MW avec notre JV Russe).
Six autres sont en cours de négociation (Egypte et UK) avec de très bonne chance de réussite, ce qui représente un « Himalaya » de charge de travail, non anticipé par GE qui suite au PSE de 2016 sur Boulogne et Massy avait dimensionné l’activité pour réaliser Hinkley Point uniquement.
Le goulet d’étranglement pour sortir cette charge est au niveau des ateliers de Belfort là où les opérations majeures seront réalisées.
Or GE n’a pas prévu d’investir à la mesure de l’enjeu, notamment sur l’embauche et la formation du personnel (la pyramide des âges est dramatiquement inversée), une partie de l’activité devra être relocalisé hors de France.
La réorganisation permanente imposée par GE ne permet pas un climat serein pour la réalisation de ces projets hautement stratégique pour la filière nucléaire française, n’oublions pas que nos turbines et alternateurs seront à l’avenir un élément majeur pour la vente d’EPR.

La gestion de ces projets à haut risque à l’avantage de générer de grosse rentrée de cash qui arrange bien GE en ce moment mais l’inconvénient est d’exposer l’entreprise à de gros risque s’ils ne sont pas réalisés dans les temps et avec la qualité requise.

2/ Situation et risques pour l’entité « Power Services » (environ 370 personnes)

L’entité « Power Services » connait un marché stable et profitable.
Mais GE a décidé de réorganiser (démanteler) Services avec la création d’un sous-traitant mondial regroupant l’ensemble du personnel intervenant sur les centrales : Field Core. Cette création entrainera certainement une perte de confiance de certains de nos clients liés au risque de pertes de compétences, dont le client N°1 français, EDF.
Pour le personnel restant, la majorité ira rejoindre Power System, mais quid de l’avenir pour ce personnel et pour le marché de l’Après-Vente. 

3/ Situation et risques pour l’entité « Hydro » (environ 100 personnes)

L’activité Hydro a été fortement impactée depuis le rachat par GE avec plus de 3000 suppressions d’emplois au niveau monde, la fermeture des derniers sites de production Européens (Suisse, Espagne, France, soit 345 suppressions de postes à Grenoble).
Les services ont été désorganisés sous couverts de la mondialisation.
Plus particulièrement sur Belfort l’effectif a diminué de 20% et on assiste à des départs dont des compétences clés qui sont non remplacés.

4/ Situations et risques pour l’entité « Power Conversion » (environ 210 salariés)

GE a racheté « Converteam » en 2011, puis a supprimé le département R&D au bout d’1 an alors qu’il s’était engagé à le maintenir lors du rachat. Notre activité (conversion de puissance) est basée sur une technologie de pointe. L’entreprise nécessite un renouvellement de la technologie tous les 2 ans. Sans recherche et développement, notre société est morte.
Pendant 6 ans, GE a complètement anéanti le modèle industriel de l’entreprise en imposant les décisions suivantes :
  • L’activité commerciale a été confiée à des vendeurs locaux dans différentes régions du monde, qui ne connaissent pas les produits développés
  • Le service achats a été globalisé en Hongrie, en Roumanie, en Pologne…
  • Le service pièces de rechange à fortes marges a été transféré de Belfort aux Pays-Bas, (raisons fiscales), ainsi GE a ignoré la complexité de nos produits (ces pièces doivent revenir à Belfort pour être réglées par nos experts), a généré l’insatisfaction de nos clients en complexifiant nos processus et a augmenté les couts de nos produits.
  • Pertes d’emplois et de compétences dans l’activité « mise en service », relocalisée en Corée ou Arabie, réduisant la qualité de nos produits délivrés aux clients.
Toutes ces décisions fragilisent nos emplois : réduction d’effectifs de 12% à Belfort (Centre d’Excellence en propulsion navale électrique), suppression de 2 sites de fabrication aux Royaume-Unis et 2 autres fermetures prévues en 2018 (Royaume-Unis + Allemagne).
Quid de la France fin 2018 à la fin de « l’accord + 1000 » ?
Le taux de démission constaté est 4 fois supérieur à la moyenne nationale dans l’industrie.
Nos talents quittent l’entreprise.
Les frais de groupe ont augmenté (+150% en 3 ans) sans aucune justification, amputant nos bénéfices.
Le CCE a lancé une procédure d’alerte sur la situation économique craignant pour l’avenir de la société.
L’entreprise est maintenant déficitaire depuis 2 ans. Aujourd’hui, GE cherche à nous revendre (à perte) et a décidé de nous réorganiser comme l’ex-Converteam (réintégration des commerciaux, achats, mise en service en Europe).

5/ Situation et risques pour l’entité « Gaz » (environ 2000 salariés

Le site de Belfort extrêmement profitable a remonté plus de 3,3 milliards d’euros de dividendes au Groupe depuis son rachat par GE en 1999, en investissant moins de 2,8% de son CA.
En charge de la commercialisation, du développement des auxiliaires, de la fabrication et de la gestion des projets sur le marché 50 Hz (soit l’ensemble du monde sauf les US et quelques autres pays), le site a perdu année après année sa capacité de prise de décision en local, est devenu un centre de coûts, n’a gardé les activités commerciales et de gestion de projet uniquement pour la région Europe et Afrique, puis uniquement le marché européen, complètement atone.
Puis après l’acquisition ALSTOM, le centre mondial du « services » et le centre européen du « neuf » s’est déplacé à Baden en Suisse où sont maintenant localisés le top management, les brevets et les profits. C’est pourquoi l’entité de GE EPF est passé pour la première fois, en 2016 d’une situation largement bénéficiaire à une situation déficitaires et que GE ne paie pas d’impôt en France bien que l’activité gaz reste le segment le plus rentable chez GE POWER.
Avec les projets de transfert de technologie en Chine, en Russie et en Algérie, un marché en bas de cycle et des usines capable de fabriquer de plus en plus vite, le risque d’un plan majeur de restructuration ainsi que la fermeture de 1 à 2 des 3 usines françaises est très important dès 2019, bien qu’elles soient plus performantes que l’usine historique américaine.
GE n’est désormais plus propriétaire de son parc machine depuis l’année dernière. L’assemblage de 3 des 7 modèles de turbines à gaz a déjà été transféré là-bas, et maintenant, c’est la fabrication d’une partie des composants à haute valeur ajoutée (aubes turbines et directrice des étages 1 & 2) qui sont en train d’être transféré vers l’usine américaine.

6/ Plan mondiale de restructuration engagé

Aujourd’hui, GE a engagé un large plan de restructuration chez GE POWER, soit 12 000 suppressions dans le monde dont 4500 en Europe sur le périmètre ex-ALSTOM, (35% des effectifs en moyenne par Pays hors France).
GE ferme 7 des 9 centres de recherche, veut fermer 30% de ses usines et veut céder 20 milliards de dollars d’actifs. (en sachant que le montant du rachat d’ALSTOM est de 13 milliards de dollars)

Grâce à l’accord France 1000, la France semble épargner, pour l’instant, (excepté les 350 postes supprimés sur le site de GE Hydro à Grenoble).

Au terme de cet accord à fin 2018, le plan de restructuration touchera inévitablement la France.

A Belfort, l’un des plus gros sites de GE POWER au monde, c’est un risque de plus de 1000 suppressions d’emploi, en appliquant la même réduction de 35% des effectifs comme dans les autres pays en Europe.

Sans une intervention de l’état, la stratégie financière de GE va détruire notre tissu industriel (capacité, savoir-faire et centre de décisions) et les emplois associés dès 2019

C/ Demande de signature d’un nouvel accord entre GE, l’état français et les organisations syndicales

Pour protéger notre outil industriel, nos emplois et les intérêts français après fin 2018, l’intersyndicale CFE-CGC, CFDT et SUD demande la négociation d’un nouvel accord entre GE, l’état français et les organisations syndicales qui :

1/ Spécifie les engagements d’investissement et de création d’emplois déclinés par business et adossés à des développements et des relocalisations d’activité en France.

2/ Encadre les projets de cessions/reprises d’activité GE localisée en France (qui cherche à vendre 20 milliards de dollars d’actif) par des entreprises qui ont une politique de développement industriel, ainsi que les modalités de contrôle par l’état de ces reprises d’activité.

3/ Garantie et préserve les intérêts de l’état français sur des activités stratégiques (parc nucléaire français, propulsion navale militaire…) aujourd’hui muselés par la législation ITAR qui interdit l’exportation des composants technologiques américains, sans le consentement du gouvernement américain.

4/ Définit des pénalités financières dissuasives, en cas de non-respect des termes de cet accord.

5/ Constitue une commission de suivi des engagements, comprenant des décideurs GE, de représentants de l’état et des organisations syndicales de GE en France.


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